" Mémoire en Aspe, une œuvre pour la paix ", est l’aboutissement d’une commande publique de la Communauté de Communes du Haut-Béarn initiée par l’Association Mémoire d’Aspe, avec le soutien du Ministère de la Culture, de la Région Nouvelle-Aquitaine, de la Fondation SNCF, des communes de la vallée d’Aspe.
Le projet
Le 11 novembre 2019 a été inaugurée à Bedous la première pièce d'une œuvre mémorielle originale. Dédiée aux 370 jeunes Aspois disparus lors du premier conflit mondial, elle se présente sous la forme d'un grand dessin déployé sur une quinzaine de panneaux fixés sur des lames en acier Corten. Une œuvre monumentale qui réunit proches, parents, femmes, enfants et amis autour de soldats de toutes nationalités et les noms des disparus.
Installée en face de la gare d'où partirent vers le front des trains remplis de soldats dès août 1914, cette pièce dépasse la seule lecture militaire de ces événements pour nous inviter à des retrouvailles au-delà du temps et des frontières politiques avec toutes celles et ceux qui ont subi ce conflit. Ses dimensions permettent de prendre place à leurs côtés pour non seulement se souvenir mais inciter à la vigilance pour éviter la tentation du repli sur soi ou celle d'un retour d'un nationalisme exacerbé.
Quatre autres pièces ont été installées pour dessiner en vallée d'Aspe un parcours renvoyant à des souvenirs et sujets toujours vifs et d'actualité :
- Les réfugiés, familles vosgiennes déplacées au début de la première guerre mondiale et qui ont trouvé l'hospitalité au monastère de Sarrance ;
- Les mutineries de 1917 face à l'absurdité sanguinaire des assauts, la révolte, la chanson de Craonne, et les fusillés pour l'exemple, dont un était natif d'Aydius ;
- Les évadés, juifs, aviateurs alliés, passeurs et résistants qui ont massivement emprunté le Chemin de la Liberté du plateau de Lhers sur la commune d'Accous, et tant d'autres, pour fuir Vichy et le nazisme, rejoindre l'armée libre, Londres ou les États-Unis...
- Les migrants économiques et l'industrie de guerre, qui a mobilisé à Cette-Eygun de nombreux aragonais venus pour faire tourner, dans cette vallée vidée de ses hommes par la Grande Guerre, des usines reconverties en outil de production d'obus.
Cette commande publique de la Communauté Haut-Béarn a été initiée par l'association Mémoire d'Aspe. Elle a été conçue et réalisée par Anne-Laure Boyer, Emmanuel Espinasse, Marc Vernier, un trio d'artistes plasticien, auteur de bande dessinée et designer graphique. En croisant leurs regards et leurs pratiques, en jouant la carte du dessin collectif, ouvert pour partie aux collégiens de la vallée, ils proposent des forme vivantes et conviviales qui ont pour ambition de devenir des espaces mémoriels attractifs, ouvert à tous les publics
L'ensemble de ces cinq pièces constitue un parcours accompagné d'une signalétique d'interprétation en quatre langues (Allemand - Anglais - Espagnol - Français).
La Communauté de Communes du Haut Béarn
Le cadre général dans lequel la commande artistique de l’œuvre « Mémoire en Aspe, une œuvre pour la paix » est pensé, repose sur la volonté de la Communauté de Communes du Haut-Béarn, de valoriser son patrimoine culturel, via le prisme du regard contemporaine et de la création artistique. Car partager et interroger notre patrimoine culturel, c’est penser la question du vivre ensemble.
Dès lors, l’œuvre présentée, au travers du parcours ainsi constitué, est le fruit du croisement des visions de tous les acteurs du territoire sur le sujet des conflits mondiaux. En effet des actions de médiation de l’association Mémoire d’Aspe dans un premier temps, puis avec les artistes retenus ensuite, ont été menées aussi bien auprès des collégiens du Collège d’Aspe, que des habitants. Ils ont été sollicités tant pour leur mémoire et témoignages que pour leur volonté à s’impliquer dans la construction de cette œuvre monumentale.
Le positionnement d’œuvres dans l’espace public, renforce les possibilités de débats. C’est un choix fort que la question de l’art et de la culture dans l’espace public, car c’est un enjeu démocratique essentiel, touchant notamment à l’apprentissage de la citoyenneté et à la rencontre avec la mixité sociale.
Le parcours « Mémoire en Aspe un œuvre pour la paix » est le premier volet d’une démarche d’échanges sur la question de la citoyenneté en Haut Béarn, visant la création artistique contemporaine. L’ensemble du Haut-Béarn a donc vocation à s’y inscrire.
L’association Mémoire d’Aspe
Ce projet repose en premier lieu sur le travail mené par les membres de l'association Mémoire d'Aspe depuis de nombreuses années pour :
- Retrouver et collecter les noms ;
- Restituer les réalités économiques et sociales de l'époque en vallée d'Aspe ;
- Reconstituer les biographies et parcours de ces jeunes hommes disparus au front et dresser une liste de 370 noms à ce jour.
Plusieurs publications, disponibles aux éditions Mon Hélios, de Pau, restituent la richesse des informations réunies. Certains de ces patronymes ont même été depuis réintégrés sur les plaques commémoratives officielles et beaucoup d'entre eux sont encore portés par de nombreux valléens. Ils sont pour eux un lien fort avec l'histoire de leurs aïeux, « leur » histoire.
Histoire, médiation & création
La vallée d'Aspe a été marquée comme tant d'autres par les deux conflits mondiaux. Le premier a eu un impact particulièrement dévastateur sur la vie de la vallée. La perte de plus de vingt pour cent des hommes en âge de travailler et de se marier a porté un coup très dur à la démographie valléenne. Durant la seconde guerre, l'engagement, et parfois le sort funeste de plusieurs passeurs locaux comme d'évadés fuyant vers l'Espagne le régime nazi et Vichy, ont marqué l'histoire du Chemin de la liberté du plateau de Lhers.
En voulant donner à ces création une dimension vivante et ludique qui fasse appel aux arts plastique, à la bande dessinée et au design, la Communauté de Communes Haut-Béarn a fait un choix ambitieux et courageux. Elle a exprimé le désir de donner à ces objets mémoriels un visage nouveau, vivant, inscrit dans le présent, capable d'interpeller et de transmettre, d'offrir à la fois des espaces de mémoire vive à ses habitants toutes générations confondues, mais aussi des espaces publiques de rencontre et de sensibilisation, ouvert à toutes celles et ceux qui traversent ou séjournent dans la vallée.
Les trois artistes sélectionnés, issus de ces disciplines et pratiquant chacun le dessin, ont proposé une trame répondant précisément à ces attentes et engagé le travail par de nombreuses rencontres en vallée et l'étude des ressources historiques compilées par Mémoire d'Aspe. Plusieurs temps de résidence leur ont permis de s'imprégner de l'esprit des lieux, d'approfondir les échanges et les rencontres, de poursuivre certaines recherches historiques, et d'animer plusieurs ateliers de création avec en particulier des élèves du collège de la vallée dans le cadre d'une labellisation « centenaire 14-18 » du projet pédagogique de l'établissement. D'autre suivront en 2020, rassemblant jeunes et adultes autour d'un projet de drapeaux pour la paix…
Présentation des artistes
- Anne-Laure Boyer travaille sur le croisement entre récit de vie, imaginaire collectif et mémoire des lieux. Sensible à la question du déplacement forcé et à la place des habitants, elle déploie ses projets sur du temps long, en résidence dans des territoires où elle propose des processus de création ouverts et partagés qui invitent les participants à échanger autour de leurs mémoires individuelles et collectives pour en dresser de nouvelles représentations, convoquant différentes approches, comme le documentaire, le dessin, la photographie, la vidéo ou la cartographie. Elle a travaillé en France, en Espagne et au Maroc sur différentes situations de mutation comme la démolition de logements sociaux et la Rénovation urbaine, la vie en maison d’enfants, le Mémorial du camp de Rivesaltes, et les villages engloutis dans les barrages hydrauliques, un projet engagé en 2011 lors d'une résidence à la Casa Velazquez à Madrid.
Âgée de 40 ans, elle est titulaire d'un DNSEP obtenu à la Haute école des arts décoratifs de Strasbourg en 2005 après des études en arts plastiques à l’Université Paris VIII et à l’Académie des Beaux-arts de Brera à Milan.
- Emmanuel Espinasse développe une pratique de la bande dessinée qui l’a mené à interroger la narration dans l’espace de la page et celui de l’écran, puis dans l’espace d’exposition : édition, installation, projection, et œuvre interactive, autant de moyens d’activer des formes de récits hybrides. Il est l’auteur de récits en trois dimensions : certains, à taille humaine, demandent au visiteur de déambuler entre les planches pour parcourir l’histoire ; d’autres, sous la forme de séries d’objets en volume, brouillent la frontière entre lecture et contemplation. Ces expérimentations, menées seul ou en collectif, ont donné lieu à de multiples expositions et publications digitales.
Parallèlement, il enseigne les arts graphiques et publie ses illustrations et ses histoires dans la presse documentaire, militante ou jeunesse, distillant un univers surréaliste et coloré, dans lequel poésie et politique s’entremêlent volontiers.
Âgé de 28 ans, il est titulaire d'un DNSEP mention bande dessiné obtenu à l'ÉESI d'Angoulême en 2015 après l'obtention d'un DMA illustration à l'ESAIG Estienne à Paris en 2013.
- Marc Vernier exerce une activité de designer graphique et éditorial en communication visuelle au service d'une grande diversité de commanditaires. Il développe en parallèle une production artistique qui propose une vision amusée et absurde du monde, déclinée sous forme de dessins, photographies, volumes et vidéos, signé sous le nom de Marc Adi. Il cultive par ailleurs son attrait pour les méthodes et techniques de fabrication et ses compétences en matière de maîtrise d’œuvre dans le cadre des projets qu'il instruit à titre personnel ou sur commande. Un goût pour la gestion de projet qui s’est affirmé auparavant dans la direction d'une activité d'opérateur culturel associatif, les production et réalisation de fictions courtes et de vidéoclips musicaux, et à présent la création d'œuvres monumentales dans le cadre de commandes publiques ou privées.
Âgé de 56 ans, il est titulaire d'un DNSEP mention communication obtenu à l'école municipale des Beaux-arts de Bordeaux en 1986. Il travaille en indépendant depuis 1987.
Plus d'informations : www.memoiredaspe.fr